Direction le parc Eco Normandie à la découverte de CPM Industries. Comme son nom l’indique, cette PME Normande assume son ancrage industriel. Difficile de faire autrement, pour une entreprise de chaudronnerie dont le savoir-faire profite principalement aux secteurs de l’aéronautique et de la machinerie agroalimentaire.
Benoist Panchout, responsable technique et co-gérant de l’entreprise, nous fait faire le tour de l’atelier. Il connaît chaque machine sur le bout des doigts, de leur cadence jusqu’à leur consommation électrique. Devant les découpeuses au sable ou laser, la plieuse, la fraiseur, il détaille les procédés de mise en forme des matériaux, en les illustrant de pièces fabriquées par l’atelier.
A une trentaine de kilomètres de là, nous rencontrons Arnaud Crétot, ingénieur boulanger et entrepreneur. Tout les opposerait à première vue, si leur vision commune ne les avait pas réunis autour d’un projet ambitieux : démocratiser la concentration solaire par la vente de fours solaires. Ni la réputée grisaille normande, ni le confinement n’a pu les ralentir. Ensemble, ils ont créé la version industrielle du four Lytefire 5 développé par Solar Fire. Ce four, chauffé par la réverbération du soleil sur une surface de 5m² de miroir, peut atteindre 300°C et cuire plus d’une centaine de kilos de pain par jour.
Si peu de temps s’est écoulé entre leur rencontre et une étroite collaboration, c’est parce qu’ils partagent une vision commune.
L’ancrage territorial de ce projet est très fort. Arnaud, comme CPM Industries, sont attachés à leur territoire. La marque Neoloco lancée par Arnaud en 2018 n’utilise que des produits issus de Normandie ou à défaut, qui pourraient y pousser. Il compte sur le développement de nouvelles filières bio pour se fournir exclusivement localement, à terme. De son côté, CPM Industries est fière de faire partie du tissu industriel normand. Ils se sentent soutenus par les plans de relance territoriaux et sont heureux de pouvoir inclure le respect de la biodiversité au sein de leur projet. Pour pouvoir agrandir leur atelier, ils ont dû creuser une mare qui a permis le retour d’une espèce de papillons. Ils aimeraient, comme Arnaud, pouvoir se fournir plus localement. Malheureusement, l’effilochement du tissu industriel français les contraint parfois à se tourner vers l’extérieur, notamment vers la Chine. Selon eux, la crise du COVID a montré que ce modèle n’est pas résilient. Ils souffrent aujourd’hui de difficultés d’approvisionnement.
L’ancrage local passe aussi par l’emploi et le lien avec les écoles et centres de formation. Susciter des vocations pour des métiers manuels est un vrai enjeu. Les susciter chez des femmes est un vrai défi. Ces formations ont été trop longtemps dévalorisées. Benoist raconte qu’il a dû lutter pour suivre une formation de chaudronnerie, car il était soit disant trop bon élève. De son côté, Arnaud se définit comme artisan-ingénieur.
Tous assument des choix professionnels forts, souvent liés à leur vie privée. D’un côté, Elise et Benoist travaillent entre frères et sœurs dans leur entreprise familiale, de l’autre Arnaud cuit son pain dans son jardin et tous ses clients habitent la région.
Ils ont progressivement construit leur propre modèle. Arnaud a d’abord consacré une journée par semaine à la boulangerie, sans fixer le jour pour profiter au maximum du soleil. Aujourd’hui, pour jongler entre son activité de torréfaction (les jours de soleil), d’ingénierie auprès de SolarFire, de boulanger, et de père de famille, il a décidé de fixer son jour de pain au jeudi. Si l’ensoleillement le permet, il utilise le four solaire. Autrement, il cuit sa fournée dans son four à bois. Selon lui, plus que des enjeux techniques, ce sont des barrières sociétales qui freinent le développement de sources d’énergie alternatives. Alors qu’une boulangerie conventionnelle propose plusieurs fournées par jour, tous les jours (voire le week-end), il se cantonne à une fournée par semaine, puisque le pain au levain se conserve mieux, et il ne produit que le nécessaire, grâce à un système de pré-commandes.
Enfin, Arnaud comme CPM Industries ont un réel souci de l’environnement. Loin d’être paralysés par l’ampleur de la crise environnementale, ils réinventent de nouveaux modèles. Elise établit le bilan carbone de CPM. Grâce à des innovations techniques comme la cuisson des peintures, ils n’utilisent quasiment plus de solvants chimiques. De son côté, Arnaud, au-delà de valoriser une agriculture bio et locale, montre que la sobriété énergétique passe par la réappropriation de l’usage de l’énergie. Pourquoi en ai-je besoin, quand, en quelle quantité ? La facilité de l’accès à l’électricité fait parfois oublier ces questions.
De la rencontre de ces visions est née Solar Fire France. Cette entreprise en cours de création vend des fours solaires performants sous les latitudes françaises. L’usage régulier de la machine par Arnaud oriente les améliorations techniques. Ensemble, ils travaillent actuellement sur un système de tracking qui permettra d’automatiser l’orientation des miroirs par rapport au soleil.