Nous voulons réduire l’impact du changement climatique et transformer autant que reconstruire des sociétés fondées sur davantage de justice sociale. Il nous semble que toutes les technologies que nous utilisons doivent être adaptées au contexte de leur utilisation, et les outils doivent renforcer l’autonomie de leurs utilisateurs. Ce dont nous avons besoin, ce sont des technologies durables qui soutiennent les activités humaines avec une pollution nulle ou très limitée, n’est-ce pas ?
Nous expliquons ici le chemin que nous avons parcouru pour relever ce défi avec Lytefire.
Lytefire est une technologie pensée pour celles et ceux qui n’ont pas accès à l’énergie solaire produite par de la haute technologie
L’énergie ce n’est pas seulement de l’électricité. Un grand nombre de personnes et de processus n’ont besoin que de chaleur. Le soleil est une source d’énergie infinie qui n’appartient à personne. La Terre flotte littéralement dans un bain de rayons solaires. Captez-en une partie et vous avez de l’énergie sous forme d’électricité (avec le photovoltaïque) ou de chaleur concentrée (avec Lytefire et toutes les techniques de Concentrated Solar Power).
Lorsque M. Fraser Symington a conçu les toutes premières versions de ce que l’on appelle aujourd’hui la Lytefire, c’était pour aider tous ceux qui font du feu avec des pneus, des déchets et de la biomasse. Il existait déjà des cuiseurs solaires à cette époque, mais pas assez puissants pour faire plus que préparer un déjeuner ou quelques bons pains quotidiennement. Fraser s’est donc imposé 3 contraintes majeures pour avancer. Le résultat devrait être : 1) aussi puissant qu’un feu ouvert (il sera plus tard appelé « solar fire »), 2) construit avec des matériaux disponibles localement, 3) facile à utiliser et à entretenir par les utilisateurs.
Ainsi, lorsque la première équipe s’est formée pour diffuser les premiers prototypes, l’objectif était de diffuser cette technologie et de responsabiliser ses utilisateurs. C’est facile à dire, mais beaucoup plus difficile à faire, principalement en raison de la résistance humaine au changement qui peut prendre de nombreuses formes. Nous avons donc ajouté une quatrième contrainte : il faudrait que les utilisateurs puissent utiliser ce « feu solaire » pour gagner de l’argent car un outil qui rapporte de l’argent va être adopté plus rapidement quelles que soient les résistances, non ?
Comme avec toute personne désireuse d’opérer un changement, chaque étape s’accompagne de nombreuses questions. Depuis le début, notre groupe souhaitait explorer l’aspect open source de notre travail, c’est-à-dire mettre tout en ligne gratuit comme c’est le cas avec les cuiseurs solaires individuels. Mais après de nombreux brainstormings créatifs, nous avons trouvé notre façon de porter une technologie brevetée tout en vendant également des manuels de construction DIY pour la méthode de fabrication la plus simple. La raison en est que nous voulons utiliser les forces de l’entreprenariat pour diffuser Lytefire au maximum auprès de celles et ceux qui en ont le plus besoin, ce qui, compte tenu de l’urgence climatique absolue n’est pas possible en comptant seulement sur la bonne volonté des bricoleurs. A notre connaissance, notre modèle est tout à fait unique dans le domaine de l’énergie (voir notre article sur l’open source).
Dialogue et simplicité : la voie du milieu de la Mid Tech
Pour mettre en œuvre le changement, une coopération active avec les différentes parties prenantes est essentielle. Autour de Lytefire, nous pouvons voir de plus en plus d’utilisateurs et de parties prenantes différents interagir : ils viennent du secteur humanitaire, des décideurs politiques, des détaillants, de l’industrie, des artisans et des bricoleurs. Avec chacun d’entre eux et elles, nous sommes heureux de nous engager pour aller plus loin en matière d’innovation et de "disnovation" (ou simplicité) lorsque cela est nécessaire, afin d’adapter, ajuster, simplifier ou mettre à niveau Lytefire pour ses utilisateurs.
L’idée de la low-tech est qu’un produit doit être simple à fabriquer, simple à utiliser et simple à entretenir, ce qui est une autre manière de se référer à la production artisanale locale de l’époque pré-industrielle. L’idée de fond étant de donner à l’utilisateur le plus grand contrôle sur le produit. On peut citer les exemples des ordinateurs portables qui peuvent être assemblés par l’utilisateur et dont toutes les pièces peuvent être remplacées et reconfigurées ; les pompes à rampe durables pour l’irrigation des jardins en permaculture ; les solutions IoT qui sont open source et donnent la priorité à l’utilisateur et à la vie privée ; les outils agricoles qui peuvent être construits par les agriculteurs eux-mêmes, etc. La low-tech peut impliquer des composants de haute technologie, mais le résultat doit toujours être constructible et maintenable par les utilisateurs.
Alors, sommes-nous strictement Low-tech ? Pas tout le temps. Sommes-nous High-tech ? Sous certains aspects oui, comme nous le verrons plus loin dans ce texte. Par conséquent, nous sommes une Mid-Tech, ce qui signifie un « équipement adaptatif nécessitant un niveau de technologie moyen, y compris un équipement qui se situe entre les catégories low-tech et high-tech ou qui utilise les fonctionnalités des deux catégories ». Ce qui nous importe est de fournir aux utilisateurs les meilleures performances, en terme d’utilité et de maintenabilité.
Grâce à cela, nous sommes en mesure d’innover en nouan des partenariats mutuellement bénéfiques. Et la beauté de la Lytefire telle que vous la voyez aujourd’hui, c’est qu’elle est le résultat d’années de développement de terrain par des passionnés et par des ingénieurs qui avaient en tête différents utilisateurs opérant dans des contextes différents.
Chez Lytefire, nous croyons fermement que l’innovation est là pour servir les utilisateurs
L’obsolescence programmée est en augmentation, comme nous le constatons de plus en plus dans l’industrie manufacturière. Le concept semble être le suivant : plutôt que de fabriquer des produits maintenables avec des clients satisfaits qui peuvent entretenir leur produit sur une longue période (et attirer ainsi plus de clients satisfaits), les entreprises préfèrent vendre des produits périssables et non réparables (que les gens sont quand même obligés d’acheter faute d’autres options). Cette approche vient d’un état d’esprit de croissance dans des secteurs sursatisfaits : une fois que vous ne pouvez pas développer votre clientèle, vous devez augmenter le nombre de ventes par client, et raccourcir le cycle de vie des produits est une option. Fort heureusement, ce n’est pas le seul mode opératoire. De nombreuses entreprises ont adopté l’économie circulaire au cours de la dernière décennie, et on voit de plus en plus que ce souci de réparabilité et de circularité redeviennent des critères de vente.
Avec Lytefire, nous avons également une mission d’impact, et compte tenu de la réalité des combustibles fossiles et de la large applicabilité de Lytefire à long terme (bien au-delà des fours, des torréfacteurs et des cuiseurs collectifs), nous avons la chance d’être dans une industrie où l’innovation peut servir un marché croissant des énergies renouvelables et durables.
Un effort honnête sur de l’innovation centrée sur l’utilisateur peut prendre la forme d’une innovation low-tech : ce sera une innovation qui simplifiera un produit plutôt que de le complexifier. Avec Lytefire, nous avons fait cela à maintes reprises pour parvenir à une solution qui peut réellement être entretenue et réparable dans des zones reculées, tout en apportant l’énergie nécessaire pour de véritables petites entreprises locales, telles que des torréfacteurs et des boulangeries, qui sont souvent complètement hors réseau.
Un exemple de notre orientation low-tech de Lytefire est l’utilisation de matériaux miroirs disponibles localement. Que vous soyez dans une ville kenyane ou au centre-ville de Paris : les matériaux pour entretenir Lytefire sont la plupart du temps disponibles localement. C’est intentionnel, car nous avons investi dans le développement de méthodes permettant d’utiliser les réflecteurs les moins chers et les plus disponibles pour la Lytefire : le miroir en verre. Cependant, cela ne nous limite pas à l’utilisation de ces miroir. L’utilisation d’autres réflecteurs plus légers ou plus durables est également possible, mais nous ne les avons pas trouvés aussi rentables que les miroirs en verre facilement disponibles dans les zones vulnérables (jusqu’à présent). Et même si nous devions livrer à l’avenir des réflecteurs ultra-fins et légers, nous conserverions cette capacité fondamentale de remplacer facilement les réflecteurs par des miroirs. Parce qu’un produit doit avant tout responsabiliser les utilisateurs. En outre, si nous voulions innover pour créer un système de miroirs exclusif devant être expédié à chaque fois depuis notre base en Finlande, autant ne pas travailler avec des pays éloignées !
Nous avons également optimisé la production de Lytefire pour atteindre l’efficacité des miroirs paraboliques, mais sans les mêmes géométries complexes : les titulaires de nos licences sont en mesure de fabriquer Lytefire avec des pièces simples et le contrôle qualité est simple car nous n’utilisons pas de formes paraboliques complexes. Cela fait partie de l’innovation fondamentale de Lytefire qui apporte une température de point focal élevée sans avoir besoin de créer des réflexions de type parabolique ou de Fresnel. Cela nous place dans une catégorie à part et cela nous convient très bien ;) Le fait que Lytefire puisse être produite facilement aide également les titulaires de licence à démarrer avec des investissements moins importants.
La production et l’innovation avec la Lytefire peuvent être à la fois de haute et de basse technologie
Plus important encore, nous pensons que l’approche Lytefire peut apporter au secteur de l’énergie ce que l’imprimerie et Internet ont apporté à l’information : la rendre beaucoup plus disponible qu’auparavant. On peut aller jusqu’à dire que Lytefire est là pour démocratiser l’accès à l’énergie solaire. C’était du moins la motivation de notre équipe fondatrice. "Je me souviens que moi-même, avant de rejoindre l’équipe Lytefire, j’étais en train d’installer des panneaux solaires photovoltaïques dans une zone rurale du Népal en 2012. Je me suis dit que si ceux-ci cassaient, même avec des connaissances en ingénierie sur place, on ne pouvait rien faire. Il nous faudrait importer un autre panneau photovoltaïque pour le remplacer, ce qui est coûteux et difficile dans une zone rurale. (Ironiquement, le producteur du panneau était BP Solar, alors détenu (et abandonné depuis) par British Petroleum, qui a silencieusement changé son slogan de « Au-delà du pétrole » à cette époque et a présenté au monde l’empreinte carbone, dans une tentative consciente. pour rejeter la faute des grandes sociétés pétrolières sur les consommateurs." – se souvient Urs Riggenbach, PDG de Lytefire.
Les panneaux photovoltaïques sont intrinsèquement une haute technologie : les cellules photovoltaïques nécessitent du matériel de haute technologie tout au long de la chaîne d’approvisionnement (par exemple lors du remodelage du silicone à 1 500 °C, pour la découpe du silicium en ondes de 200 microns, etc.). A titre de comparaison, Lytefire n’a besoin que de surfaces réfléchissantes, telles que de miroirs en verre, ayant une chaîne d’approvisionnement beaucoup plus simple, nécessitant beaucoup moins de technologie et d’énergie grise pour être produits, et par conséquent avec des coûts inférieurs. C’est pourquoi Lytefire est déjà compétitif même sur des volumes de production faibles et décentralisés.
Pour les amateurs de low-tech, nous proposons nos guides de construction adaptés au contexte low-tech du bricolage fait-maison. Les guides de construction sont disponibles respectivement pour la cuisinière communautaire Lytefire DIY et le four Lytefire DIY. Les constructeurs bénéficient de nos années d’expérience dans la construction de Lytefire dans des pays divers d’Europe, d’Afrique et d’Asie, et dans des ateliers sommairement équipés, comme lors de nos premières années au Kenya et au Burkina Faso.
Alors si nous ne nous reconnaissons pas entièrement dans la Low-tech c’est parce que nous pensons que la fabrication et l’innovation autour et avec la Lytefire peuvent être à la fois high et low-tech, et que cela dépend à chaque fois de la réalité technique choisie.
Plutôt que de croire seulement au low-tech, nous croyons en une innovation modulable et centrée sur l’utilisateur.
Voici un exemple qui relève de la haute technologie, la fabrication CNC (computer numerical control). Les Lytefire Deluxe et Lytefire PRO sont livrées avec des supports de miroir fabriqués en utilisant le CNC. Les supports de miroir sont conçus avec notre logiciel interne, qui calcule l’angle de chaque miroir, puis un découpeur laser est utilisé pour découper des profilés en aluminium qui forcent chaque miroir dans sa position pré-calibrée. En bref : Lytefire PRO ne nécessite aucune connaissance au-delà de l’assemblage de style IKEA. D’autres modèles nécessitent encore une calibration manuelle des miroirs après l’installation, ce qui nécessite une compréhension théorique de la technologie Lytefire – et quelques heures d’ensoleillement continu. Dans les scénarios où nous expédions Lytefire PRO dans des zones de crise, ou dans les situations où Lytefire doit être rapide à assembler et à utiliser, le recours à une fabrication de haute technologie offre en réalité un avantage à l’utilisateur. Nous avons néanmoins décidé de conserver la même facilité de remplacement des réflecteurs que pour nos autres modèles. Pour les titulaires de licence ayant accès à une infrastructure de haute technologie, la fabrication de haute technologie est donc une option.
La Lytefire est une solution Mid-Tech
En tant qu’entreprise, est-ce que nous innovons pour rendre nos clients dépendants ou pour plus de responsabilisation du client ? Chez Lytefire, nous croyons en l’autonomie et dans la générosité, et cela se reflète dans nos innovations. Donc, oui, nous détenons des brevets et nous prévoyons d’en déposer davantage. Et oui, nous sommes heureux de coopérer avec le mouvement Low-Tech et de trouver des moyens hybrides participants à la diffusion de la cuisson solaire. Certaines pistes sont de réelles simplifications qui facilitent la fabrication et la maintenabilité. D’autres sont de la high-tech. Ce qui compte pour nous, c’est que Lytefire puisse se propager rapidement partout, être utilisé avec bonheur par les gens et avoir un impact durable sur l’environnement des utilisateurs.
C’est pourquoi nous définissons Lytefire comme une solution Mid-tech. Une solution qui combine de manière appropriée haute et basse technologie, tout en soutenant la plus grande autonomie possible des utilisateurs.
Urs Riggenbach & Eva Wissenz, 28 Février 2024
Messages
5 mars, 13:57, par Eva Wissenz
J’ajoute un commentaire à cette réflexion sur notre positionnement.
Nous avons vu régulièrement des personnes de tous horizons s’emballer autour de Lytefire, vouloir en faire ceci ou cela, généralement des choses Très Grandes, perdant ainsi complètement de vue le but premier de notre travail qui est de soulager le fardeau là où il est particulièrement pesant, c’est-à-dire dans le cas présent auprès de femmes de pays dites vulnérables notamment.
L’expérience a appris à se méfier des Très Grandes ambitions autant que des Étiquettes à la mode. Il nous semble que ce qui compte est de dréer des ponts, du dialogue et de la coopération, non par le dogme, le rêve ou le marketing mais par la puissance simple de l’outil.
La vie fait que la solution solaire Lytefire initialement conçue pour les pays dits pauvres, s’est trouvée plutôt bien adaptée en France dans certains contextes. Du coup, pas mal de demandes nous sont venues de là, avec des questions qui nous poussent à creuser des pistes pour aider les artisans afin de diminuer le prix de vente. De toute évidence, le contexte très différent de celui des pays d’Afrique de l’Est, par exemple.
Au niveau de l’énergie déjà. Le prix, l’accès, la distribution n’y sont pas les mêmes. La valeur transformative perçue d’un four solaire n’est donc pas la même non plus. C’est aussi différent au niveau des financements, des mécanismes d’aide aux entreprises, etc.
Aussi, notre excursion dans le milieu industriel français nous a peu convaincu et nous avons pu voir fonctionner à plein ces Très Grandes Ambitions qui ne sont en fait qu’une forme mieux adaptée de peinture verte. Nous ne croyons pas à l’industrialisation des low-tech telle que portée par certains pour surfer sur la vague des subventions allant aussi bien à de grands pollueurs connus qu’à de plus modestes projets, tout cela afin de bien "se positionner" sur une région.
Nous ne croyons qu’à l’entreprenariat social, patient, conduit dans l’esprit du service à la communauté. Cela n’empêche ni les ventes, ni l’innovation, au contraire, car l’activité se fait alors dans la cohérence de A à Z. Nous sommes vraiment heureux de trouver enfin le temps de clarifier tout cela et de commencer à travailler maintenant avec cohérence en France avec des artisans et des bricoleurs.
22 mai, 13:38, par Anther
Bonjour,
Je suis en stage au CNRS PROMES, je travaille sur la conception d’un concentrateur solaire low-tech. Est-il possible d’avoir des informations sur vos fours solaires ? par exemple comment se fait la concentration au foyer, utilisez vous un foyer fixe ou un foyer tournant ?