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Je crois que je n’ai jamais été aussi fière de mener une entreprise aussi contre-performante que la nôtre. Lytefire est un pari généreux et de plus en plus porté par les femmes. Et plus j’avance, plus ce pari incarné par notre petite équipe me fortifie dans ma conviction que l’entreprise généreuse a tout à créer, qu’elle charpente l’avenir.
Simplicité et clarté
Quand on arrive à structurer une avancée technique réelle et ultra-utile tout en lui gardant sa simplicité comme garante de sa pérennité, on sait qu’on travaille dans la clarté. Parfois, il y a des tâtonnements, bien sûr, comme pour tout projet pionnier qui tente de redéfinir beaucoup de choses tout en avançant dans le concret d’une société en mutation. Mais à la fin, ce qui domine, c’est la clarté de qui fait quoi et comment les choses sont faites. Et c’est dans la clarté que les échanges, les soutiens et la générosité circulent le mieux car la clarté comme la simplicité contribuent à la prise d’autonomie.
Regardez comment les industries toxiques se sont construites, leur modèle dominant, leur protectionnisme et leurs empilements de secrets, leurs centralisations et leurs énergies et vous comprendrez tout de suite ce que je veux dire. Cette clarté est un élément important de l’esprit de la low-tech ou de l’open source qui nous ont inspiré et auquel nous contribuons à notre façon. Ce sont des éléments qui se retrouvent dans toutes les entreprises sociales. Il nous semble que ce qui importe, c’est de construire des ponts, du dialogue et de la coopération, non par le dogme, le rêve ou le marketing mais par la simple puissance de l’outil.
Alors Lytefire, c’est l’énergie propre sans prise de pouvoir ni domination de personne, sans effet de mode ni d’annonce, sans gadgets tech, sans centralisation ni destruction de ressources naturelles. C’est un grand et gros dispositif technique qui permet d’accéder à une énergie propre et gratuite. Nos clients achètent le prix des matériaux et la main d’œuvre. Nos marges assurent la pérennité de nos emplois, salariés ou pas, afin que ce pari se maintiennent dans tout son alignement. Car comme je le disais à une entrepreneure inspirante, nos privilèges si durement acquis n’ont de sens que pour servir la communauté en forgeant plus de justice sociale.
Un poète l’a très bien dit dans La merveille et l’obscur :« On vante aujourd’hui les mérites de l’entrepreneur, les vertus du chef d’industrie. On oublie trop que celui qui veut régner sur les choses doit inévitablement commencer par régner sur les hommes qui fabriqueront ces choses. Triompher dans les affaires c’est toujours triompher sur les autres, s’enrichir de leur défaite. » Christian Bobin
Utile à la communauté
Le triomphe ne nous intéresse pas. Le service autant que la coopération nous passionnent. Pour y arriver, il faut nous aligner sans cesse en travaillant sur nos croyances et nos freins. Mais c’est ça qui porte l’entreprise généreuse : la mise au service de toutes les ressources pour le bien commun.
Notre bien commun, nous ne le savons que trop, c’est notre maison commune, celle qui brûle depuis tant d’années tandis que nous regardons ailleurs, comme l’avait pointé un président français au sommet de la terre de 2002.
Cette maison faite d’eau, de terre, d’arbres et de plantes, d’animaux et micro-insectes, de bactéries, et toutes les énergies que nous sommes, cette maison sublime baignée dans une certaine atmosphère calée sur le soleil, entre autres.
Alors est-ce qu’un four solaire peut devenir un levier de changement dans cet écosystème actuellement dévoré d’avidité, de corruption et de souffrances diverses ?
C’est notre pari. Faire d’un four solaire simple et puissant un outil de justice sociale. Chaque Lytefire installée et utilisée a un impact sur 11 Objectifs du Développement Durable. Énergie propre, nouvelles façons de travailler, réduction de la facture énergétique de bois, de charbon ou d’électricité, plus de temps quand son usage remplace la collecte de bois, éducation à des métiers durables, renforcement de l’économie locale, production vertueuse… Vous pouvez en lire plus sur notre impact ici.
Ainsi, on remet de la valeur là où on a perdu l’habitude d’en voir : auprès des femmes, des fermiers, des villageois, des artisans et des petits entrepreneurs de régions bien ensoleillées. C’est-à-dire celles et ceux qu’on a longtemps jugé comme « non performants » car trop souvent invisibles sur tous les podiums de la performance compétitive.
Nous pensons que si tout être a de la valeur, alors tout être mérite d’avoir accès aux mêmes droits, aux mêmes chances, aux mêmes biens communs. Ce qui inclut dans notre cas l’accès à une énergie propre, abondante et gratuite pour faire tourner une activité.
Il n’y a donc pas de personnes de 2e, 3e ou 4e zones. Ni de pays fondamentalement plus développés que d’autres. Ni plus heureux.
On peut pourtant voir « dans la réalité » qu’il y a des personnes riches et des personnes pauvres. Des pays plus ou moins confortables. Des personnes bienveillantes et d’autres pas. Des pays plus ensoleillés que d’autres.
A partir de ces observations, on tire à longueur d’année des conclusions sur des groupes entiers de personnes. Et souvent, surprise, cela ne signifie absolument rien « dans la réalité ».
Par exemple, cette année encore les Finlandais sont « le peuple le plus heureux au monde », alors que l’alcoolisme et le suicide ravagent ce pays comme tant d’autres. Ou bien on découvre, selon une carte eugéniste infamante pointée récemment par une autre entrepreneure formidable, que : « les Africains ont le QI le plus bas au monde », alors que l’on sait que les freins majeurs à leur stabilité sont issus des colonialismes. Ou encore que : « les pauvres il y en a toujours eu et il y en aura toujours », alors que l’accaparement des richesses par des personnes qui se sentent en droit de le faire crée cela.
Il y aurait des milliers d’autres exemples, plus ou moins choquant à donner. Et nous vivons, tous, à l’intérieur de centaines de croyances plus ou moins pourries comme ça, qu’on se traîne de siècle en siècle, de tradition en tradition, de famille en famille, d’habitude en habitude. La croyance que l’eau vient forcément d’un robinet. Ou que seul un combustible fossile ou électrique peut produire de la chaleur pour cuisiner.
La croyance qu’on serait supérieur parce qu’on est performant dans un contexte donné. La croyance qu’on serait créatif parce qu’on veut éviter de se structurer. La croyance qu’on serait intelligent parce qu’on créé des complexités inutiles (une idée forte proposée par une autre entrepreneure inspirante). La croyance qu’on serait seul à prendre des risques en oubliant de voir ceux que d’autres ont pris avec nous. La croyance qu’on serait trop sensible alors qu’on est juste en train de s’adresser à une personne dépourvue d’intelligence émotionnelle. Vous voyez ?
Le pari de Lytefire
La crise actuelle nous appelle tous et toutes à examiner d’urgence l’ensemble de nos croyances acquises. C’est aussi inconfortable que nécessaire. Un marketing bien senti doublé de performances obscures ne peuvent plus suffire. Il faut nous remettre les compteurs à zéro très régulièrement et il est indispensable que les entreprises apprennent à le faire
Nous, à Lytefire, on fait le pari qu’on va réussir à rendre l’énergie solaire thermique propre et gratuite accessible aux plus fragiles socialement (en savoir plus ici). Et ça nous touche tellement que ça fait une décennie qu’on tient bon contre toutes les tempêtes, avec le maximum de solidarité et de générosité dont nous avons été capables.
Être vulnérable, c’est une condition difficile et jamais choisie. C’est difficile partout et pour des milliards de gens. C’est même de plus en plus difficile.
Mais quand nous avons une petite chance de ramener de la valeur là où il n’y en avait pas depuis longtemps. Quand on peut assurer un peu plus de stabilité locale. Quand on peut polluer un peu moins. Et quand un groupe de femmes se surprend à n’avoir besoin de personne pour monter leur équipement solaire. Alors il faut porter cette possibilité le plus loin possible et la transformer en une dynamique de changement. Les plus forts devraient protéger les plus vulnérables. C’est par la simplicité et la générosité que nous créons des passerelles de compréhension, de respect et de solidarité. Qu’on place, par exemple, une boulangère solaire kényane sur le même pied d’égalité avec un boulanger solaire normand. Parce que si leurs environnements sont différents, ils partagent néanmoins les mêmes besoins humains et vivent sous le même soleil.
Pour découvrir la belle diversité des utilisateurs de la Lytefire, c’est par ici.
Eva Wissenz, 6 avril 2024